C’est le matin du 4 octobre 2018, lors d’un chantier situé au col de la Moreno à quinze kilomètres à l’ouest de Clermont-Ferrand, que Ramiro Da Silva, un des artisans embauchés pour l’occasion, mit à jour une découverte troublante. Il s’agissait d’un morceau d’ambre dans lequel on apercevait une pièce métallique imitant la forme d’une petite roue dentée. Un article paru dans la presse locale quelque temps auparavant avait indiqué que l’université Laplace d’Aigue-Ardente encourageait toute personne qui pouvait apporter des artefacts peu communs au professeur Johan Bouchot, chef du département des Sciences marginales, encore connu sous le nom de DeSMa. Dès le lendemain, monsieur Da Silva y avait emporté sa trouvaille, s’adressant directement au Pr Bouchot. L’examen superficiel de l’objet interloqua le chercheur et il remercia vivement l’ouvrier, lui offrant un dédommagement de cinquante euros pour ses efforts. Le bloc de résine remarquable, non par sa taille d’une dizaine de centimètres, mais par son contenu, abritait des insectes et des végétaux, mais aussi une roue dentée de quelques centimètres de diamètre. Le Pr Bouchot demanda aussitôt l’avis de ses collègues plus spécialisés en minéraux et biologie. Le Pr Elfriede Meyer, qu’il avait rencontré à la Technische Universitat de Darmstadt pendant ses études, se proposa pour examiner la partie organique du fossile, le docteur Ahmed Labil, diplômé de l’Université des Sciences et de la Technologie Houari Boumediène, prendrait en charge les investigations sur la pièce de métal. Les recherches durèrent environ quarante-huit heures, à l’issue desquelles les deux spécialistes exprimèrent leur mécontentement auprès du Pr Bouchot. Les fragments végétaux et animaux remontaient à plus de soixante mille ans tandis que la roue dentée résistait à toute analyse. Ils considéraient tout cela comme une mystification élaborée, une perte de temps. Johan Bouchot dut passer plusieurs heures à convaincre ses paires que ce n’était pas une imposture. La petite équipe, désireuse d’explorer toutes les possibilités, se lança dans des examens plus poussés et dut admettre deux conclusions : primo, le bloc d’ambre n’avait subi aucune altération et avait été authentifié, secundo les échantillons présents à l’intérieur avaient côtoyé l’homme de Neandertal. La pièce métallique représentait à elle seule une énigme de taille. De la forme d’une roue dentée de trois centimètres de diamètre, elle était percée d’un trou en son centre, sans doute dans le but d’accueillir un axe. De ce cœur partaient dix rayons qui ondulaient vers l’anneau extérieur. Encore plus étrange, lorsqu’il était plongé dans l’obscurité l’objet émettait une douce lumière dorée. Malgré tous les efforts des universitaires, la composition exacte de l’artefact restait un mystère, aucun de ses éléments ne trouvant sa place dans la table de Mendeleïev. Au fil des recherches et des discussions, le groupe de scientifiques arriva à la conclusion qu’ils possédaient là une pièce unique qui pouvait prouver l’existence d’une présence intelligente et industrialisée sur terre pendant le Paléolithique moyen. Cette découverte soulevait énormément de questions dont la plus importante était de savoir pourquoi cet objet était le premier a être identifié dans le monde. Cette période, riche en fossiles en vestiges et en peintures rupestres, ne laissait pourtant présager d’une quelconque technologie mécanique au moment où les hommes des cavernes apprenaient comment tailler les silex. Le Dr Labil proposa de consulter le laboratoire privé de datation des métaux (LDM). Ce dernier déclara que l’échantillon remontait au moins à quatre-vingt mille ans, soit encore plus loin que les résidus organiques présents dans l’ambre. Inquiets des implications de cette découverte, les scientifiques décidèrent de mettre l’objet à l’abri dans une armoire fermée à clef du bureau du professeur Bouchot. L’équipe réalisa de nombreuses recherches, à la fois sur l’internet, les forums Usenet et les archives universitaires, aucune référence concernant un cas approchant ne fut identifiée. C’est finalement dans un document de Laplace qu’un début d’explication, quoique fort improbable, commença à se faire jour. Il y a deux-mille-cinq-cents ans, en pleine antiquité, vivait un philosophe grec du nom d’Anaxagore. Il avait rédigé un ouvrage intitulé « Τον αγώνα των κόσμων » (prononcer : ton agonal ton kósmon), dans lequel on y trouvait la description de deux créatures qui se livraient un combat sans merci pour posséder notre monde. Les belligérants appartenaient soit à une race d’insectes géants, les Ghr’ur, ou à des sortes d’automates mécaniques, les Cybérines. Ces dernières étaient composées de métal et de minuscules engrenages tels que celui que l’ouvrier avait apporté. C’est en voulant comparer la pièce originale avec une gravure du livre que le Pr Bouchot découvrit que la roue dentée avait disparu, le réceptacle ayant été forcé. Le commandant Aubert, dirigeant la brigade de gendarmerie d’Aigue-Ardente qui fut chargé de l’affaire. Malgré des mois d’enquête, l’échantillon ne put être retrouvé. Quelques articles parurent dans la presse relatant le vol, mais sans jamais préciser la nature de l’objet. Le professeur Bouchot décida de se lancer dans ses propres recherches, et c’est au bout de deux semaines qu’il reçut une lettre anonyme lui demandant de stopper ses investigations. Évidemment, il ne se laissa pas impressionner. Le matin du dix-sept mars 2019, le jour de son anniversaire, il expliqua à sa femme qu’il avait découvert dans la réserve de la bibliothèque de l’université Laplace des informations, mais qu’il devait pour cela aller dans un petit village situé à vingt-cinq kilomètres de là : Pontmalduit. Il avait contacté l’archiviste de la ville, madame Delphine Boyer, et avait réussi à obtenir un rendez-vous dans l’après-midi. C’est le dernier renseignement que l’on a eu de lui. La gendarmerie retrouva sa voiture abandonnée sur le chemin au niveau du village de Saint-Loup, il n’avait apparemment jamais atteint sa destination. Avec le temps, les histoires les plus folles circulèrent à son sujet. Certains pensent qu’il avait monté une mystification et avait fui, car il ne pouvait en assumer les conséquences. Ses anciens collègues, le professeur Meyer et le docteur Labil se refusèrent à tout commentaires à ce propos. Aujourd’hui encore, le mystère existe toujours et aucun début d’explication n’a pu être trouvé.


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